Pour la petite histoire, il faut savoir que le Centre Spatial Guyanais (CSG) et le CMCK (l'hôpital de la croix rouge ou je travail ^^) sont très liés. Le directeur du CSG est d'ailleurs membre du conseil de surveillance du CMCK.
Donc j'ai pu obtenir une invitation pour assister depuis la salle Jupiter à ce 58° lancement de Ariane V, 202° de la génération Ariane.
Déjà l'arrivée sur la site est intéressante : le CSG est vraiment à deux pas de Kourou, après le rond point de sortie de la ville, on fait quelque chose comme deux ou trois kilomètres (et encore) et on y est. Là bien évidemment il y a la gendarmerie et l'armée qui contrôle l'accès (avec véhicule blindé hein, ça plaisante pas ^^).
La salle Jupiter est un bâtiment qui jouxte le musée de l'espace, tout près de l'entrée du site.
Là rapide contrôle, puis on vous confie un badge avec l'indication de la salle (car il y a plusieurs salle, Jupiter étant la "VIP") et vous pouvez monter (après un troisième contrôle et passage par un détecteur de métaux).
Quand vous arrivez dans la salle Jupiter, vous découvrez cela :
La salle de contrôle d'Ariane V, vue depuis la salle Jupiter. |
La salle Jupiter. Je suis arrivé tôt, cela va se remplir. |
Donc comme vous le voyez, la salle Jupiter est conçue presque comme une salle de spectacle, avec la salle de contrôle de Ariane V séparée par une baie vitrée de l'espace VIP. En hauteur, vous apercevez des salles avec une lumière bleu, c'est la que se trouve les interprètes et les régisseurs, car l'intégralité du lancement est filmé et commenté, agrémentés de divers films, le tout traduit dans plusieurs langues et retransmis en direct sur les grands écrans au dessus de la salle de contrôle et dans plusieurs endroits en Guyane mais aussi dans le monde, et notamment en Inde et à Singapour pour ce lancement.
Ce soir là, Ariane embarque deux satellites de télécommunication, l'un Indien, l'autre fabriqué par mitsubishi pour une sorte de consortium singapouro-taiwanais si j'ai bien tout compris.
Vu du site de lancement sur un des écrans géants. Le site lui-même est à 14 kilomètres d'ici. |
La salle de contrôle Jupiter prends le contrôle du vol une fois le lancement effectué, mais ce n'est pas ici que le décollage est géré. Il y a une autre salle de contrôle, proche du site de lancement.
Comme j'ai un peu de temps, je descend dans la salle adjacente ou un petit apéritif de bienvenue est servi, avec divers jus de fruits frais, sodas, mini sandwichs savoureux. Après quelques coups de files à des amis (car je suis très enthousiaste et j'ai envie de partager cela), je vais boire un verre au milieu de la foule qui commence à arriver. Il y a forcément plein de gens du CSG, d'Ariannespace, de l'ESA (agence spatiale européenne) et du CNES (Centre National des Etudes Spatiales), mais aussi des militaires en magnifiques costumes blancs, des représentants de divers ministère, Monsieur le Préfet de Guyane et, bien sur, les représentants des clients, à savoir des délagations indiennes, taiwanaises, japonaise et de Singapour.
Le président de l'agence spatiale indienne nous a fait l'honneur de sa présence, bref beaucoup de très beau monde et je me sent bien à ma place... bon d'accord j'ai le sentiment de faire un peu tâche ^^
Retour dans la salle Jupiter, les choses avancent :
28 minutes avant le lancement, vous notez les indicateurs sur la gauche qui sont passés au vert... |
Environ 10 minutes avant le décollage, nous avons le droit à quelques présentations officielles et discours, dont celui du directeur du CSG qui salut entre autre les clients indiens et asiatiques. Il précise d'ailleurs que cela fait 30 ans cette année qu'Ariane envois des satellites indiens. Il faut savoir que, si l'Inde dispose d'un lanceur, celui-ci ne peut pas envoyer de charges trop lourdes (maximum de l'ordre de 2 ou 3 tonnes je crois), tandis qu'Ariane V, qui est le plus performant lanceur au monde, peut lancer plus de 10 tonnes de charge utile. C'est pourquoi deux satellites peuvent être emportés à chaque fois et des gros, comme ceux d'aujourd'hui (3,5 T et 5 T respectivement).
On nous explique que, une minute avant le lancement, les portes rouges situées de part et d'autre de la salle Jupiter s'ouvriront pour que nous puissions assister au décollage depuis la terrasse.
Nous sommes rassurés sur les conditions climatiques : le voyant est au vert. Car ils nous expliquent que, en cas de risque d'orage, pas de lancement. Ariane est exposée à la foudre dans les premiers instants de son vol, et comme c'est le zéro risque qui prévaut, ils n'hésitent pas à reporter dans ces cas là (à 220 millions de dollars le tir, on peu comprendre ^^). Il faut savoir que, dans la salle de contrôle, ils se tiennent également près à détruire la fusée en vol, en cas de danger pour les populations. Là aussi je pourrais comprendre que le gars qui a la responsabilité de ce bouton soit nerveux.
Depuis le début des discours, toute l'opération est filmée (plusieurs caméra) et retransmise en direct sur les écrans géants, de manière ultra pro (j'ai était impressionné) : films annonces, commentaires très bien fait, gros plans sur les principaux acteurs (responsables de mission, clients ec...) avec incrustations vidéos de haute qualité pour les identifier, animations en images de synthèse, vu du lanceur en gros plan, bref tout s'enchaine comme du papier à musique avec, encore une fois, un professionnalisme largement au niveau des plus grandes chaines de télévision, le contenu en plus ^^ Nous disposons chacun d'un récepteur et avons le choix pour la langue, tout étant traduit en temps réel.
Et ce qui devait arrivé arriva : les portes s'ouvrent !!!! Et forcément, tout le monde sort pour assister à la mise à feu...
Alors d'ici j’aperçois deux site, l'un près de l'antenne de communication et l'autre (qui sera le bon) un peu plus sur la droite, au dessus du panneau bleu. |
A dix secondes de la mise à feu, le silence se fait... partout sur le site, on n'entends que les secondes qui s'égrainent dans les hauts parleurs :
10, 9, 8, 7, (la tension est presque palpable, je ressent une excitation, comme un gamin ^^) 6, 5, 4, 3, 2, 1... mise à feu !
Ouaaaaaaaaaaaaa !!!! |
Il faut quand même se représenter que nous sommes à 14 kilomètres... Ariane V, c'est un sorte de cathédrale de plus de 50 mètres de haut... et d'une masse de 750 tonnes, qui s'envole comme d'un rien ^^
Dommage que ce lancé ait eu lieu si tôt dans la journée, la prochaine fois j'aimerai en voir un en début de nuit ^^ |
La fusée s'élève, et en peu de temps elle passe au dessus de la salle et nous la perdons de vue... mais le bruit arrive à ce moment, un bruit sourd, grave, ultra puissant, qui fait vibrer les bâtiments... murmures admiratifs dans l'assemblée... Une femme toute fière m'annonce que son fils est présent sur le site de lancement.
Du décollage il ne reste que cette magnifique colonne de fumée :
Nous retournons alors dans la salle Jupiter. Le temps de s'installer dans nos sièges, nous constatons ceci sur les écrans de contrôle :
Ariane V est déjà dans l'espace, ses boosters sont déjà séparés... |
Il faut savoir que Ariane V met 3 minutes à quitter l’atmosphère... A partir de là, nous allons suivre toute la procédure jusqu'à la séparation des deux satellites. C'est une opération très délicate, le lanceur doit atteindre une certaine altitude, une certaine vitesse et prendre un angle précis pour la séparation. Tâche délicate, car si elle est mal effectuée, le satellite devra consacrer beaucoup plus d’énergie que prévu à se positionner comme il faut, ce qui réduit sa durée de vie de manière considérable (moins un ou deux ans...)
A ce moment, cela devient carrément hollywood : on suit toute lévolution, on nous indique quelles sont les stations relais qui prennent le signal de la fusée : après Kourou, c'est un site au Brésil, puis sur une île anglaise de l'atlantique, minuscule, mais qui abrite une station et quelques ingénieurs... tout cela va très vite ! Sur les grands écrans on nous montre des vus de chacun de ces sites. En quelques minutes, c'est une station située à Libreville qui prends le relai...
Entre temps, nous avons toujours les commentaires, puis les films de présentation des sociétés clientes d'Arianespace : l'Indian Space Research Organisation (ISRO), Mitsubishi, puis les sociétés taiwanaises et de singapour dont j'ai oublié le nom ^^ Les infos du vols viennent en incrustations vidéos, pour confirmer que tout va bien...
La phase de séparation de premier étage propulseur a lieu, puis le deuxième, on a le droit à des photos prises depuis la fusée elle-même :
Bon évidemment c'est pas très clair, surtout avec mon appareil photo de m*** Mais à voir c'est chouette ^^ |
Enfin arrive l'instant de la séparation du premier satellite, puis, quelques minutes après, du deuxième, le tout à une vitesse de plus de 9 kilomètres par secondes. Dans la salle, ce sont applaudissements et exclamations, notamment du côté des clients, qui se congratules tous les uns les autres. Idem sans la salle de contrôle, car maintenant la mission est réellement terminée.
Car c'est évidemment un grand moment : ce sont des projets engagés depuis plusieurs années qui, là, en quelques minutes, voient leur aboutissement ! Vous imaginez le niveau de stress de ces gens-là, ceux qui ont bossés des milliers d'heures pour fabriquer ces engins dont le destin est scellé en une trentaine de minutes tout au plus...
Viennent alors les discours, d'abord du président d'Arianespace qui ne cache pas sa joie et sa fierté (mais il y a de quoi), ensuite les clients asiatiques et indiens, dont le président de l'ISRO, la présidente du groupe taiwanais, et un monsieur de Singapour (je ne sait pas comment on nomme les habitant de Singapour ^^). Le président de l'ISRO précise que le centre de contrôle en Inde a bien fait l'acquisition du satellite : c'est un succès complet.
Après les derniers mots du président, direction le hall de Jupiter pour le cocktail :
Évidemment : champagne, petits fours en quantité, salé sucrés pour tous les goûts ! |
Voila !
Je suis super content d'avoir vécut cela et j'espère que j'aurais l'occasion de le refaire (mais pas seul cette fois ^^) car c'est vraiment un moment unique et quelque peu magique. Après avoir vu cette énorme machine qu'est le CSG, la performance d'Ariane et l'indéniable savoir faire de ces milliers de gens, je ne peut qu'être admiratif, fier d'être européen et pousser au passage un petit cocorico qui ne me semble pas volé ^^